Coquilles Saint-Jacques : dernières semaines avant la fermeture de la pêche

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Dernières semaines pour les pêcheurs de coquilles Saint-Jacques, avant la clôture de la campagne ouverte début octobre 2017 et qui s’achèvera mi-mai. L’occasion de revenir sur un métier et une filière méconnus en France, et extrêmement réglementés : la Coquille Saint-Jacques ne peut être pêchée légalement que pendant 7 à 8 mois sur une année pleine, pour permettre la reproduction et la préservation des ressources ; et même pendant la saison, elle ne peut être récoltée que deux jours sur 7 pendant seulement 3 quarts d’heure au quotidien, pour des récoltes quotidiennes de 600 kilos par bateau et par jour, et 1.2 tonnes au maximum. Mais elle redevient totalement illégale dans quelques semaines, et les contrebandiers sont alors lourdement sanctionnés en cas de pêche en dehors des dates d’ouverture de la campagne : car ils empêchent le corail, l’organe reproducteur de la Saint-Jacques, de remplir son rôle et donc, aux Saint-Jacques de se renouveler.

 

Sur les côtes françaises, des centaines de familles vivent de ce produit délicat. Car c’est un marché qui se porte très bien : les Français raffolent de la Saint-Jacques, ils en sont les plus gros mangeurs au monde, 2.5 kilos par an et par personne ! Rare, elle est précieuse et se vend cher, plus de 5 euros les cent grammes en moyenne : le produit est l’un des fruits de mer les plus rentables de la planète. Et en conséquence, les affaires maritimes veillent au grain. Pendant la saison de pêche, les patrouilleurs surveillent le ciel en avion pour vérifier que les quotas sont respectés, et contrôler le bon respect des modalités de récolte. Après le 14 mai 2018 et la fin des autorisations, ils continueront les rondes pour s’assurer qu’aucun voleur de coquilles ne sévit sur les rivages français. Beaucoup de travail, pas assez de contrôleurs : les Affaires Maritimes recrutent, d’ailleurs, c’est toujours bon à savoir.

 

Ce sont les pêcheurs eux-mêmes qui ont réclamé cette surveillance, et qui la financent en payant une licence, comme les taxis ! Les opérations de survol des baies sont nécessaires aux yeux de la profession, car comme tous les gardiens du trésor, les pêcheurs de pectinidés veulent que les réglementations soient respectées par tous : si la ressource vient à s’épuiser, c’est la fin du filon. « Nous sommes déjà plus de 200 bateaux dans la Baie de Saint-Brieuc lorsque la sortie est autorisée. Plusieurs centaines d’embarcations sur 600 kilomètres carrés pendant seulement 45 minutes, c’est vite la curée si les règlements ne sont pas stricts », explique un récoltant breton.

 

La coquille Saint-Jacques se pêche à la drague : des sortes de grands râteaux qui balaient les fonds marins de leurs dents métalliques, et ramassent les coquilles piégées ensuite par le filet fixé derrière. « Dans le temps qui nous est imposé, ces fameux trois quarts d’heure, pas une minute de plus, nous sommes capables en allant vite de descendre la drague quatre fois. C’est un métier qui exige une grande rapidité alliée à une précision parfaite, car il faut aussi dans ce temps imparti trier les coquilles remontées, les calibrer, et les rejeter si elles sont trop petites, moins de 10.2 centimètres, sinon le gisement s’épuise », explique un marin pêcheur. « De toute façon les avions descendent à la fin du délai pour vérifier que nous avons respecté le décompte horaire. Si ce n’est pas le cas, nous risquons une amende, voire une suspension de notre licence ».

 

Ensuite, une fois les bateaux rentrés à quai, c’est la gendarmerie maritime qui prend le relais et opère les contrôles : la taille des anneaux du filet ne doit pas être inférieure à 97 millimètres. Ils vérifient aussi que la taille des coquilles est dans les normes minimales exigées. « Nous sanctionnons une trentaine de navires chaque année, c’est assez peu », raconte un gendarme. « Dans leur grande majorité les pêcheurs sont conscients que frauder sur la ressource c’est tarir son propre gagne-pain ». A la criée, le produit de la pêche est vendu en quatre heures à peine, d’abord parce que tout est informatisé, ensuite parce que la demande est toujours bien supérieure à l’offre : les chefs cuisiniers, notamment, se fournissent auprès des criées directement et en quantité : « c’est de la super marchandise et nos clients en raffolent. C’est frais, ça se gobe quasiment naturellement, et c’est simple à cuisiner, en carpaccio ou à peine saisi, quelques secondes sur chaque face », explique un chef étoilé, qui vient faire ses courses lui-même sur la criée de Saint-Brieuc.

 

En Normandie, le gisement est estimé à 50 000 tonnes, un record, et la réglementation peut autoriser la pêche jusqu’à deux heures et 1.8 tonnes par bateau et par jour. « La zone est restée en jachère pendant deux ans, et c’est la preuve qu’il faut gérer les ressources : grâce à ces périodes de carence, la coquille revient en quantité. La saison 2017-2018 aura été exceptionnelle », analyse un pêcheur de Port-en-Bessin, dans le Calvados. « Les pêcheurs sont là pour gérer le cours de la coquille et préserver la ressource sur le long terme », estime Arnauld Manner, directeur du groupement des pêcheurs bas-normands NFM (Normandie Fraîcheur Mer). « Il faut savoir éviter de dilapider le capital, de pêcher toute la ressource si ça ne correspond pas aux besoins des volumes sur les marchés. Les pêcheurs ont pris conscience de cette nécessité de faire attention. Ils ont accepté l’idée des restrictions et de se diversifier pendant les périodes de jachère, parce qu’ils savent que quand la saison est bonne comme ça a été le cas cette année, c’est 60% de leur chiffre d’affaires au moins qui est assuré. »

 

 




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