STX : méga commande pour 30 millions d’heures de travail à Saint-Nazaire
0 commentaire Marie MEHAULT
15 juin 2018Alors que la finalisation de l’accord de reprise de STX par l’italien Fincantieri à hauteur de 50% est en bonne voie, si l’on en croit les déclarations ce jeudi 14 juin 2018 du ministre de l’économie Bruno Lemaire, une nouvelle méga commande vient de tomber dans l’escarcelle des chantiers de l’Atlantique : le croisiériste italo-suisse MSC achète 4 paquebots géants pour un montant total de plus de 3,5 milliards d’euros… une bonne nouvelle pour l’emploi, forcément : une telle commande représente en effet environ 30 millions d’heures de travail supplémentaires, ce qui assure la pérennité de l’activité sur le site pendant encore au moins 10 à 12 bonnes années, et même des embauches nécessaires pour honorer les délais et répondre à la demande.
« STX vient recruter jusque dans nos lycées, avant même que nos élèves en chaudronnerie aient le bac, et ils ont en permanence plusieurs offres urgentes à pourvoir », explique un professeur au lycée professionnel de Vannes, entre Nantes et Saint-Nazaire. « Ils n’ont pas encore le bac mais déjà un emploi et un avenir assurés à la sortie, dans leur secteur : chaque année, les recruteurs de STX les attendent à la sortie de leurs études avec une quarantaine de CDI à leur offrir et une visibilité des commandes sur 10 ans, qui se renouvelle vertueusement puisque les gros croisiéristes de la planète achètent de nouveaux paquebots les uns après les autres. Notre expérience, notre expertise et notre savoir faire sont reconnus dans le monde entier ».
STX devrait ainsi livrer au moins 20 navires dans les 8 ou 10 années qui viennent : « nous organisons d’ailleurs le 29 juin 2018 une grande journée d’information sur les métiers de la construction de géants des mers », précise un responsable des ressources humaines du chantier naval. « Nous recherchons en permanence des assistants conducteurs de travaux et des conducteurs de travaux, pour superviser les exécutions réalisées par les sous-traitants et coordonner les multi intervenants ; nous recherchons aussi des techniciens de bureaux d’études et des dessinateurs de projets pour réaliser la conception mécanique ou physique des pièces, des produits, des équipements, et formaliser les plans des installations : pour ces missions nous avons besoins de profils plutôt de type bac + 2 ou bac + 3 en construction navale, génie civil, mécanique, électrique ou climatique, travaux publics ou gestion de projets industriels ». Mais aussi des menuisiers, des charpentiers, des tuyauteurs, des soudeurs, câbleurs, ajusteurs, peintres, fraiseurs tourneurs, des métiers en tension dont les recruteurs ont tout le temps besoin.
Les ouvriers et ingénieurs sont le plus souvent recrutés avec des contrats de chantiers, qui leur apportent les mêmes droits qu’un CDI : congés payés, mutuelle, etc… mais avec une clause de fin de chantier, lorsque les navires sont terminés. A chaque fin de chantier sur un navire, la question se pose de renouveler ou pas le contrat de chantier des intéressés… mais en général, selon les personnes rencontrées sur place, c’est renouvelé, sauf gros souci sur le dernier chantier. Du « gagnant gagnant » selon la direction : « cela nous évite à nous les litiges en fin de chantier, et cela évite dans le même temps aux salariés d’avoir des contrats beaucoup plus précaires en intérim ou en CDD, qui nous offriraient plus de souplesse à nous, ressources humaines, mais qui impliquent aussi moins les salariés dans la vie de la société ». Le gouvernement souhaite d’ailleurs généraliser ces contrats de chantiers, qui seraient négociés branche par branche.
A Saint-Nazaire, « il y a dix ans de travail, pur des milliers de personnes », estime encore la CGT-STX, qui se dit malgré tout vigilante sur l’arrivée de Fincantieri dans l’affaire : l’Italien a en effet signé il y a 2 ans un accord pour la création d’une co-entreprise de construction de paquebots… en Chine. Mais Bruno Lemaire, le ministre de l’économie, qui doit bientôt rencontrer son homologue italien (Emmanuel Macron rencontre, lui, le premier ministre italien Giuseppe Conte ce vendredi 15 juin 2018 à Paris), s’est voulu rassurant : « les chantiers de l’Atlantique, puisque nous reprenons ce nom en lieu et place de STX, c’est la marque de la qualité, du professionnalisme et du savoir faire français des ouvriers et des ingénieurs qui travaillent jour et nuit sur les chantiers pour produire les plus beaux navires du monde. Des années de travail sont désormais garanties pour ces chantiers, et l’Etat apporte toutes les garanties nécessaires pour sécuriser ces commandes. L’accord avec Fincantieri est un bon accord, qui consolide l’expertise et la réputation de la France en matière de la construction navale et nous permet d’avoir une taille critique encore plus imposante par rapport à nos rivaux, en particulier la Chine. Les gouvernements changent, mais les engagements des Etats restent ».