Ports français : l’activité économique et les emplois menacés par les gilets jaunes
0 commentaire Marie MEHAULT
3 déc. 2018Ce week-end des 1er et 3 décembre 2018 marque peut-être un nouveau tournant dans le mouvement des gilets jaunes : de plus en plus de casse sur Paris, des préfectures et des mairies prises d’assaut, voire incendiées… et dans les ports aussi, la situation se tend : si les dockers ont rejoint le mouvement peu après son démarrage, si les ports sont des points de blocage stratégiques depuis 3 semaines, les tensions et la crispation sont encore montés d’un cran samedi 1er décembre dans plusieurs terminaux maritimes de France, compromettant encore un peu plus la bonne marche de l’activité économique, et ternissant davantage l’image de l’Hexagone dans l’esprit des investisseurs et des négociants du commerce mondial : « L’inquiétude laisse place aux franches appréhensions et certains pourraient songer à délocaliser leurs activités maritimes de la France vers un pays d’Europe moins tendu… », explique le directeur de l’un de ces ports, sous couvert d’anonymat. « Comme si les gilets jaunes ne comprenaient pas que les dégâts, les blocages et la fuite des investissements vont aggraver logiquement la situation de l’économie et grever la croissance, les emplois et donc, leur pouvoir d’achat, plutôt que de l’améliorer ».
Ce samedi 1er décembre 2018 donc, aura vu les gilets jaunes bloquer simultanément près de 10 ports français différents : manifestation sous haute tension sur le Vieux Port à Marseille, avec des affrontements entre CRS et plusieurs dizaines de personnes. Des scènes, parfois, qui ont tourné à la guérilla urbaine, et aux émeutes. Pris pour cible des blocages aussi depuis le 17 novembre 2018, le port pétrolier de Fos sur Mer, juste à côté. A la Seyne également, le port de commerce de Brégaillon est bloqué depuis jeudi 29 novembre 2018, impossible pour les camions d’entrer ou de sortir, et les grands navires qui assurent les rotations entre Toulon et la Turquie risquent d’être bloqués à quai pour un moment. Dans la Manche, le port de Cherbourg est bloqué depuis deux semaines maintenant, et là aussi les ferries ne peuvent pas fonctionner correctement, des files de poids-lourds à l’arrêt s’alignent aux abords. Mêmes scènes à Rouen, Lorient, Saint-Malo, Lyon et Saint-Nazaire, où tous les ronds-points d’accès aux terminaux portuaires ont été transformés en barricades et en points de blocus.
« Avec les blocages et les camions qui ne peuvent plus ni circuler, ni entrer ni sortir, dans tous ces ports français, les terminaux de containers sont à l’arrêt. Depuis le premier samedi de mobilisation des gilets jaunes, le 17 novembre 2018, les clients se détournent des ports bloqués vers d’autres ports français, mais l’étape suivante c’est qu’ils vont se détourner vers les autres ports européens, et dans ces cas-là c’est parfois irréversible, parce que la logistique de changement est énorme et coûteuse, donc une fois que c’est fait les armateurs et les gros négociants ne font pas marche arrière facilement, surtout quand la confiance est cassée, quand la situation semble incertaine et que la mèche a été allumée. Ces trois semaines leur ont fait perdre beaucoup d’argent », analyse un cabinet de conseil spécialisé en économie des transports. « Les bateaux ne font plus le plein à cause des camions et des dépôts de carburant bloqués, et dans tous ces ports il a fallu beaucoup de temps, parfois des années, pour arriver à une situation économique stable et même une vraie croissance. Aujourd’hui les ports français sont dans le top 50 des ports mondiaux, mais c’est tout cela qui est compromis aujourd’hui ».
Furieux, le président du port de Cherbourg et de la délégation Cotentin de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Normandie, Dominique Louzeau, est monté au créneau dans les médias ces derniers jours, pour dénoncer la situation, et un mouvement qui est en train de « faire crever » les ports et qui « emmerde les entreprises du secteur plutôt qu’Emmanuel Macron ». Et de rappeler que les ports de France, en particulier dans le nord et l’ouest du pays, doivent se préparer à un Brexit imminent qui va déjà compliquer la situation, et qu’il vaut mieux être fort qu’être faible quand cela arrivera : « on a beau évoquer les conséquences sur les emplois si cela continue, les gilets jaunes ne veulent rien savoir ». Les prochains jours et les prochaines semaines seront clairement décisifs pour l’avenir et les emplois.