Des drones pour faire la chasse aux voleurs d’huîtres

Temps de lecture : 4 minutes

Les producteurs d’huîtres ont tout essayé pendant les fêtes de fin d’année, et ils sont bien décidés à en faire autant pour la Saint-Valentin, autre grosse date à laquelle les amateurs de crustacés sont nombreux et dopent le chiffre d’affaires de la profession : problème, les vols se sont multipliés ces dernières années, et les délinquants maritimes peu scrupuleux aussi. Depuis maintenant 7 ans, le phénomène plombe la trésorerie des exploitants. En Charente Maritime, 20 tonnes dérobées en 2017, 18 tonnes en 2016, 8 tonnes en 2015 et jusque 40 tonnes, un record, c’était en 2011. L’année dernière, 800 kilos rien que pour l’Ile de Ré… ou encore, dans le Morbihan, au large d’Etel. A 10 euros pièces, parfois, le préjudice atteint vite des milliers, voire des dizaines de milliers d’euros. Lutter contre les pillages, c’est donc un enjeu majeur pour l’économie halieutique, qui vend chaque année quelques 100 000 tonnes d’huîtres rien que sur le territoire national. Noël, le réveillon du 31 décembre et la saint valentin représentent, en moins de deux mois, les deux tiers du chiffre d’affaires annuel des producteurs français. D’autant que depuis 3 ans, le prix des huîtres a grimpé en flèche, à cause d’une grave crise du secteur pendant 7 ans, entre 2008 et 2014, marquée par une mortalité très importante, jusqu’à 9 coquillages sur 10 par périodes.

 

Le problème, c’est que les vols ont explosé en même temps que les cours grimpaient. Et encore, « ils sont largement sous-estimés, car tous les vols ne sont pas systématiquement déclarés », explique le Comité National de la Conchyliculture. « Après quelques années d’accalmie, entre 2012 et 2014, les voleurs d’huîtres sont revenus en force au large des côtes françaises », estime de son côté un gendarme d’Oléron, spécialisé dans la surveillance des sites ostréicoles. « Nous avons donc multiplié les moyens de repérer les pilleurs et de les interpeller : caméras de surveillance, jumelles infrarouges pour les rondes de nuit, marquage des bancs par puces électroniques etc… Mais ce qui marche finalement le mieux, compte tenu de la configuration des bassins et de la distance depuis le rivage, ce sont les reconnaissances par drones. Une petite révolution pour les professionnels ». Les brigades nautiques peuvent ainsi rester relativement loin des sites à surveiller, sur des barges ostréicoles équipées de moteurs silencieux, et opérer à distance. « Nous enclenchons le dispositif dès que nous remarquons une présence dans un secteur où il y a des parcs à huîtres, surtout vers les bassins peu profonds, appelés les « claires », où les huîtres sont affinées, parce que cela veut dire qu’elles sont prêtes à consommer, de la meilleure qualité possible et facile à pêcher », explique un sous-officier qui a été formé au pilotage de drones, du côté d’Arcachon.

 

Objectif : surprendre et filmer les voleurs… « qui peuvent parfois être des producteurs eux-mêmes, malveillants avec leurs voisins », précise un garde-juré maritime, employé par le comité conchylicole local d’Arcachon pour faire respecter les règlements entre conchyliculteurs. « Nous avons pu constater cette réalité pendant nos patrouilles, à plusieurs reprises ». « Le drone nous permet d’arriver au plus près de la plate, aux endroits où de toute manière notre vedette ne pourrait pas accoster, ou avec beaucoup de difficultés, et de filmer à moins de 20 mètres, ce qui permet de récupérer une multitude d’informations nécessaires », explique un responsable des opérations de gendarmerie dans le Morbihan, au large de la Ria d’Etel. « Cela nous permet d’enregistrer l’immatriculation de la barque ostréicole, et de comparer avec notre listing pour vérifier que c’est bien le producteur qui est sur sa concession, et pas quelqu’un d’autre ».

 

Sur le Bassin d’Arcachon, 80 télé pilotes ont été formés pour pouvoir effectuer ces contrôles par drones. 3 semaines de stage intensif, à l’école des pilotes de drones de la gendarmerie, sur la base aérienne de Cazaux. « La délinquance des parcs à huîtres est un véritable fléau pour l’économie maritime des régions côtières », explique un adjudant chef, formateur. « En fonction de la quantité volée, certaines sociétés peuvent parfois même être obligées de mettre la clé sous la porte. Cela provoque des faillites et la lutte contre les voleurs est devenu capitale ». Pour traquer les voleurs d’huîtres, les drones sont complétés par des survols en hélicoptères. « Cela permet d’avoir une vue d’ensemble supérieure au drone, de couvrir un espace supérieur, de tenir plus longtemps dans le temps et de filmer de nuit en caméra thermique. C’est complémentaire du drone, qui lui va aller préciser toutes ces informations. Grâce à ces dispositifs, les vols ont tendance à baisser assez nettement. Mais nous restons très vigilants, et nous en appelons aussi, et même surtout, à la coopération entre les producteurs, et à ce qu’ils nous alertent dès qu’ils voient quelque chose de suspect, même si c’est chez le voisin ».

 

 




0 commentaire

A lire également

Ce site utilise des cookies pour vous offrir le meilleur service. En poursuivant votre navigation, vous acceptez l’utilisation des cookies.En savoir plusJ’accepte