COP 23 : sur la piste des déchets toxiques illégaux dans les ports français

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Dunkerque, dans le nord de la France : dans ce grand port maritime, le troisième plus important de France, le septième d’Europe, des centaines de milliers de containers, qui entrent dans le pays ou en sortent. Difficile de savoir combien contiennent des déchets illégaux, il est impossible de les contrôler tous. Mais quand les gendarmes en ouvrent un au hasard, ils font mouche presqu’à chaque fois. Dans un container, des déchets métalliques non triés, en vrac. De l’aluminium contaminé, du cuivre, du fer…. Mais aussi, très souvent, des restes de moteurs, des câbles électriques, des batteries usagées… Des tonnes et des tonnes de déchets hautement toxiques.

 

Ces déchets auraient dû être recyclés en France. Leur transport en dehors de nos frontières est interdit. « Chaque container contrôlé en flagrance représente 30 tonnes de déchets illégaux », explique un gendarme. « Il nous arrive d’ailleurs très régulièrement de faire des malaises en contrôlant, malgré le masque et l’équipement spécial. Le propriétaire de ces containers encourt 75 000 euros d’amende et 2 ans de prison. Mais malgré cela, les trafics de rebuts ménagers prennent de l’ampleur, car ils peuvent s’avérer très lucratifs. Cela coûte dix fois moins cher de recycler les déchets dans d’autres pays, d’Asie ou d’Afrique, plutôt que dans l’Union Européenne ».

 

Ces déchets sont aussi, pour beaucoup, déversés en toute illégalité en Afrique. Ils polluent les sols, les nappes phréatiques, les cours d’eau…. Et font des morts, chaque jour. Dernier exemple marquant : des dizaines de tonnes de déchets hautement toxiques déversés dans des champs et des rivières autour d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, depuis le bateau Probo Koala. L’épisode a fait des dizaines de morts. L’Asie est aussi très touchée par ces dépôts illégaux et hyper polluants. Là-bas, dans le meilleur des cas, ils sont triés dans des conditions sanitaires déplorables, sans protection aucune.

 

Pour un container saisi en Europe, combien passent à travers les mailles du filet ? Difficile à dire, des centaines par jour, certainement. Plus près de nous en Europe, en Italie par exemple, près de Naples, l’une des régions les plus fertiles de la botte est aussi, hélas, l’une des plus polluées par ce trafic : la Camorra, la mafia locale, est très actif dans ce business extrêmement juteux. Dans des dizaines de petits villages, partout dans la région, la police découvre régulièrement d’immenses décharges à ciel ouvert. Elles contiennent des déchets dangereux : hospitaliers, amiante, résidus toxiques industriels ou agricoles. Et polluent sournoisement et irrémédiablement les nappes phréatiques. Dans le sol, quasiment à chaque fois, les enquêteurs retrouvent enfouis sous terre les mêmes containers que ceux contrôlés régulièrement par les gendarmes dans le port de Dunkerque. Ces ports, où tout commence et tout fini.

 

Interpol, la police des polices européennes, soupçonne aujourd’hui un vaste trafic international. En 20 ans, des centaines de millions de tonnes de déchets toxiques ont transité par Calais, Dunkerque, Le Havre, et bien d’autres ports européens. D’après les ONG qui se préoccupent du sujet, plus de 400 000 camions sont partis sur le dernier quart de siècle de ces grands ports de l’UE, pour aller déverser leurs contenus illégaux dans les décharges clandestines d’Europe et du Monde. Des millions et des millions de mètres cubes de poisons, enfouis sur des milliers d’hectares. Aujourd’hui, ces ONG en appellent aux pouvoirs publics, mais aussi aux industriels qui participent à cette pollution à grande échelle en arguant que ce n’est pas leur problème, mais qui sont ravis d’économiser le coût d’un recyclage légal : 60 000 euros pour un container de déchets plastiques. Une facture divisée par 10 s’ils s’en débarrassent en passant par un intermédiaire mafieux. Et la facture baisse encore s’ils  expédient les déchets vers le Tiers-Monde.

 

 




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