Guerre de la coquille Saint-Jacques : quelles répercussions sur l’emploi ?

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C’est la guerre des nerfs entre les professionnels de la mer de chaque côté de la Manche : pêcheurs français et pêcheurs britanniques sont entrés dans un conflit ouvert autour de la coquille Saint-Jacques, et pour l’instant les négociations n’ont abouti à rien. Comment en est-on arrivé là ? Ces tensions auront-elles des conséquences négatives sur l’emploi ?

 

Tout a commencé par un épisode comme on n’en avait jamais vu : une bataille navale d’un nouveau genre, des pêcheurs français furieux essayant d’empêcher leurs homologues britanniques d’exploiter un gisement de coquilles protégé, tandis qu’en face les Anglais tout aussi furieux tentaient de passer en force en jouant aux autos tamponneuses avec les bateaux français… Une semaine plus tard, une réunion était organisée à Paris pour tenter de trouver un règlement à l’amiable, en vain. D’où vient le problème ? Tout simplement du fait que les Français voudraient étendre leurs quotas de pêche des coquilles Saint-Jacques, quotas destinés à préserver les ressources, à leurs confrères d’Outre-manche qui eux, ne sont tenus à aucune obligation et libres de pêcher à leur guise. Mais l’appauvrissement des espèces ne connaît pas de frontières et faute d’arrangement, les professionnels de la filière français craignent des répercussions, à terme, sur toute la profession et donc forcément sur l’emploi.

 

« Les Britanniques sont trop gourmands, ils sont sans cesse dans la surenchère, on ne peut pas laisser passer, mais les discussions reprendront et rien n’est terminé. Nous ne lâcherons pas l’affaire », explique le Comité Régional des Pêches de Normandie, en première ligne dans cette bataille. Les coquilles Saint-Jacques sont ce que les pêcheurs appellent « l’or blanc de l’économie bleue », une vraie richesse de la mer qui se vend à prix d’or mais dont il faut prendre soin si l’on veut que le filon perdure. « Depuis maintenant 15 ans les Anglais multiplient leurs bateau sur une zone qui n’est pas immense. Il faut impérativement que l’espèce soit gérée au niveau de l’Union Européenne, de manière communautaire, pour empêcher ces débarquements sauvages de flottilles qui font une concurrence déloyale aux pays comme la France où l’on essaye de respecter l’environnement et de pêcher avec éthique par rapport à la protection de cette biodiversité qui nous fait vivre. Les Britanniques voient à court terme parce que si on continue comme ça, ce sera le chômage pour tout le monde des deux côtés de la Manche, il n’y aura tout simplement plus rien à pêcher ».

 

En fait, le problème est tout aussi structurel que conjoncturel, c’est une opposition flagrante entre deux manières de travailler, deux manières d’employer son personnel et d’embaucher, deux manières de gérer le produit : « en France, les pêcheurs ont préféré privilégier la main d’œuvre locale, et recruter dans des petites entreprises tout du long des côtes, c’est une communauté. Toutes les trois dizaines de kilomètres environ, vous avez un port avec des pêcheurs de coquilles. Les salariés sont des gens de la région, payés en fonction de ce qu’ils ramènent mais qui font ça dans les règles. En Face, vous avez une pêche industrielle avec de gros bateaux qui ramassent tout sans discernement, et qui font travailler des travailleurs détachés d’Europe de l’Est ou du Sud à des salaires ridicules, sans souci des bonnes pratiques avec une espèce de logique qui veut que puisqu’ils sortent du Brexit dans 6 mois, ils peuvent faire n’importe quoi ! », analyse un patron de PME spécialisée dans la Saint-Jacques, à Port-en-Bessin, dans le Calvados. Qui appelle, avec ses collègues français, à boycotter les produits de mer venus d’Angleterre : « ils sont très dépendants de la France pour écouler leurs marchandises, c’est un bon moyen de pression, les rixes navales en mer risquent de mal tourner, il vaut mieux éviter sinon ça finira mal, mais c’est vrai que quand on sort, on sait que la pêche à la coquille est interdite en France entre le 15 mai et le 1er octobre, et on les voit se gaver, ça nous rend fous ! ».

 

Les pêcheurs sont inquiets pour leur activité : « ils ont écrit sur les réseaux sociaux qu’ils allaient tout piller jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien, c’est la guerre. On va finir par monter à 200 bateaux de Honfleur à Boulogne et on va les foutre dehors », gronde un autre, en colère. « Ils nous font du chantage, ils acceptent de pêcher moins la coquille si leurs quotas de maquereaux sont revus à la hausse, c’est inacceptable. On ne peut pas appeler au calme quand on voit ça. Les Anglais doivent accepter une règle simple, l’ouverture de la pêche à la coquille le 1er octobre, qu’ils n’arrivent pas un mois ou un mois et demi avant nous pour pêcher la coquille qu’on a préservée, nous ». Les négociations ne sont pas tout à fait terminée : une nouvelle discussion doit avoir lieu à Dublin en Irlande entre ministres cette fois, et de l’autre côté de la Manche.

 

 




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